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Silo

Reclus dans des sortes de gratte-ciel enterrés, les survivants d’une apocalypse ignorée sont tiraillés entre le besoin de sécurité et le désir de connaissance.

A mille pieds sous terre

L’humanité est au fond du trou. C’est en tout cas l’argument du roman de Hugh Howey, Silo, que les éditions Actes Sud viennent de publier en France pour inaugurer leur nouvelle collection consacrée à la SF, Exofictions.

JPEG - 32.4 koA la surface, il n’y a plus rien de vivant. Des tempêtes de poussière charrient un air mortel comme sur une planète hostile. Ce qui reste de l’espèce humaine vit recluse dans des silos enterrés dans le sol sur plusieurs centaines de mètres de profondeur. En bas, les machinistes, ceux qui transforment le pétrole en énergie et qui assurent le maintien à sec des installations. En haut, les classes supérieures, qui passent leur temps à regarder l’extérieur par l’intermédiaire d’écrans gréants reliés à des caméras vidéo.

Et comme les capteurs de ces caméras s’encrassent vite, on envoie régulièrement des nettoyeurs au dehors. C’est un voyage sans retour, un exil qui se transforme en quelques minutes en condamnation à mort. C’est aussi une soupape de sécurité, un moyen de gérer l’énorme frustration de vivre reclus et d’évacuer les tensions qui ne manquent pas de secouer les habitants du silo à chaque génération.

Car si l’extérieur est assurément un cauchemar, l’intérieur est loin d’être un paradis. La société du silo est hiérarchisée, corsetée, rigidifiée par des décennies de normes, de codes et de tabous, où l’information ne circule pas et où la mémoire des événements passés est soigneusement effacée des serveurs informatiques. Du passé faisons table rase ! On pense bien sûr au Transperceneige, dans lequel les survivants étaient entassés dans un train, les gueux à l’arrière, l’aristocratie à l’avant.

Ce que raconte le tome 1 (il y en aura deux autres, à paraître au premier et au deuxième semestre 2014), c’est justement une de ces révoltes qui part des bas fonds et qui se propage dans les différents niveaux par l’escalier unique en colimaçon qui sert de lien entre les couches sociales. On n’en dira pas plus afin de vous laisser le plaisir de la découverte, sinon que c’est en faisant sauter l’entrave à la communication que les insurgés vont comprendre comment fonctionne réellement le silo et quels en sont les enjeux.

Hugh Howey s’attache à décrire la géographie particulière du silo, à rendre l’impression ambigüe de confinement et de sécurité que ressentent ses habitants, ainsi que l’attraction/répulsion pour le monde du dehors, un monde horizontal apparemment sans limite. Si on peut trouver étrange que le silo soit régi par un maire et un shérif, comme dans un bon vieux western, les personnages sont d’une grande richesse : l’héroïne, Juliette (qui se fait surnommer Jules), fait irrésistiblement penser à la Lisbeth de Stieg Larsson.

Passé par le format de la nouvelle et par l’autoédition, Hugh Howey est en tout cas promis à un brillant avenir. On souhaite à Actes Sud que Silo lance aussi bien sa collection SF que Millenium l’a fait pour ses romans policiers.