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Peter May et sa série chinoise

En six romans fulgurants, l’Ecossais Peter May nous plonge au cœur de la Chine contemporaine, celle de l’hypercapitalisme et du parti unique. Un modèle du genre, aussi brillant que James Lee Burke ou Tony Hillerman.

JPEG - 23.1 koCe qui fait la richesse et la beauté du polar, c’est rarement son intrigue. Ce qui compte, ce qui fait qu’on a envie d’y revenir, c’est tout ce qu’il y a autour : les personnages bien sûr, mais aussi et surtout le décor, l’atmosphère, les paysages, les bruits. Et ce passé qui resurgit à la surface au moment où on s’y attend le moins.

On avait une tendresse particulière pour les romans de Tony Hillerman, presque tous circonscrits dans la réserve Navajo et mettant en scène un policier à la retraite, Joe Leaphorn, et un jeune flic traditionnaliste, Jim Chee. On est inconditionnel de l’univers de James Lee Burke qui met un malin plaisir à placer Dave Robicheaux, enquêteur près de la Nouvelle Orleans, dans des situations inextricables où le poids du vieux Sud menace de tout engloutir.

Et puis il y a Peter May. Lui est écossais, mais c’est de l’Empire du Milieu dont il parle dans sa série chinoise, avec deux personnages récurents et on ne peut moins complémentaires : le policier pékinois Li Yan et la pathologiste américaine Margaret Campbell. Dotés tous deux de caractères pas vraiment accommodants, hantés par la perte de leurs proches, ils se croisent dans un Pékin en pleine mutation où les bulldozers détruisent les vieux quartiers pour faire place aux buildings ultramodernes.

JPEG - 23.9 koIls sont confrontés à des histoires qui racontent en creux une civilisation chinoise d’une richesse incomparable (surtout pour des Américains) écartelée entre un passé particulièrement chargé (la Révolution culturelle) et un présent qui va trop vite. Les voilà mêlés à des affaires impliquant du riz transgénique potentiellement mortel, une méthode de dopage particulièrement sophistiquée, des meurtres en série sur des femmes ayant toutes avorté ou encore de mystérieux réglements de compte impliquant l’armée de terre cuite de l’empereur Qing.

A ces histoires épouvantables dont les enfants du peuple sont les premières victimes, se croise les relations houleuses et passionnées entre Margaret et Li. En tant que policier d’état, il n’a pas le droit de vivre avec une étrangère. Et elle a du mal à se faire à la vie pékinoise alors qu’elle ne comprend ni ne parle le mandarin. Le choc des cultures passent à travers eux et c’est toujours passionnant, drôle, émouvant, surprenant.

JPEG - 25.5 koLe seul regret qu’on puisse avoir, c’est que les éditions du Rouergue, qui ont édité Peter May en France, ont cru bon de choisir des titres ineptes, dignes de Fleuve noir : Meurtres à Pékin (The firemaker en vo), Le quatrième sacrifice (là ça va, c’est la traduction littérale), Les disparues de Shanghai (The killing room), Cadavres chinois à Houston (Snakehead), Jeux mortels à Pékin (The runner), L’éventreur de Pékin (Chinese whispers). Dommage, car parfois un mauvais titre peut être dissuasif.