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La guerre des classes

A partir d’une phrase de Warren Buffett, l’homme le plus riche du monde, le journaliste François Ruffin (Là-bas si j’y suis, le Monde diplomatique) dresse un état des lieux de la guerre des classes, de ses vainqueurs et de ceux qui l’ont perdue, et en appelle à la mémoire de Jaurès.

C’est un livre plein de colère, de rage même que nous offre François Ruffin, un jeune journaliste (33 ans) qui sait ce que précaire veut dire puisqu’il ne vit que de piges, essentiellement, excusez du peu, au Monde diplomatique [1] et à l’émission de France Inter Là-bas si j’y suis [2]. Avoir comme employeurs Serge Halimi et Daniel Mermet, voilà qui forge le caractère et qui aiguise le propos.

A partir d’une petite phrase jetée négligemment par Warren Buffett (l’homme le plus riche du monde, dont la fortune est estimée à 62 milliards de dollars), « La lutte des classes existe, et c’est la mienne, celle des riches, qui est en train de la remporter », François Ruffin s’est mis en tête de démontrer, preuves à l’appui, que non seulement la lutte des classes n’a pas disparu, mais qu’elle a pris depuis quelques années des allures de carnage.

Blocage des salaires, précarisation, délocalisations, pour les uns, explosion du niveau de vie pour les autres : le triomphe du libéralisme le plus brutal n’a mis fin ni à l’histoire ni à l’existence de classes sociales, contrairement à ce que prétendent les principaux partis de gauche, ceux dits de gouvernement. et ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, si depuis 2002 ils ne gouvernent plus : alors que Jaurès, dont il est souvent question dans le livre de Ruffin, avait dit : « le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel », le PS et le PCF n’ont pas plus d’idéaux que de compréhension du réel [3].

Les extraits de discours de leaders socialistes, et notamment de Vincent Peillon (principal soutien, avec Manuel Valls, de Ségolène Royal à l’automne 2008), montrent avec cruauté à quel point cette gauche-là s’est coupée des classes populaires qu’elle ne comprend pas, et qu’elle méprise. Relire Jaurès, qui est récupéré par tout le monde en ce moment, permet de mesurer l’immense fossé qui s’est creusé, depuis bientôt trente ans, entre les idéaux d’une gauche qui voulait transformer la société et les bassesses de celle qui ne fait qu’appeller les « inévitables réformes ».

Le livre de Ruffin n’apporte pas de solution, il n’est pas là pour ça. C’est un livre de combat, qui identifie clairement le champ de bataille. « Ce que la vie m’a révélé, ce n’est point l’idée socialiste, c’est la nécessité du combat. » Jaurès, encore et toujours.