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Dans les bois éternels

DES OS PÉNIENS POUR LES VIERGES

Une revenante dans un grenier. Un mutilé de la guerre d’Espagne qui gratte son bras manquant. Un policier qui parle en vers de douze pieds, comme Racine. Un traité des reliques qui donne la recette de l’immortalité. Des vierges sous la menace d’une infirmière criminelle. Un chat serpillère. Un médecin légiste qui coupe son café avec de l’orgeat. Pas de toute, on est bien chez Fred Vargas, du moins dans un de ses romans où l’enquête n’est qu’un prétexte pour jouer avec tout ce que l’humanité compte d’originaux, de farfelus et de « pelleteux de nuages ».

Combien, comme elle, sont capables de dessiner avec tant de soin des personnages secondaires, riches chacun d’une histoire qui leur est propre, habillés de tics verbaux qui les rendent immédiatement reconnaissables et victimes de petites manies parfaitement surréalistes ? On pense à Stephen King, dans un registre plus trivial et plus violent.

Fred Vargas nous avait laissés sur un grand roman, Sous les vents de Neptune, où Adamsberg se retrouvait propulsé au Québec, aux prises avec un mystérieux tueur qui signait ses crimes au trident. Dans les bois éternels est au même niveau, avec la remontée de souvenirs d’enfance, l’habituelle fausse piste et l’approfondissement des étranges liens tissés dans la brigade : Danglard, Retancourt, Mercadet, Noël, ils sont tous là. Il y a aussi le petit Thomas, le fils d’Adamsberg, à qui le commissaire lit le soir un ouvrage sur l’architecture pyrénéenne pour l’endormir. Tout un petit monde perturbé par l’arrivée d’un Nouveau, Veyrenc, qui semble chercher quelque chose sans dire quoi.

Car tout le monde cherche quelque chose dans les romans de Fred Vargas. Le lecteur, lui, y trouve un bonheur sans cesse renouvelé.