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Maus

Comment une BD dépouillée à l’extrême greffe l’universel à l’intime. Avec des souris et des chats, Art Spiegelman raconte l’holocauste et nous parle de son père.

Des souris et des hommes

Raconter le génocide en bande dessinée, ajouter à ce pari une chronique familiale, une mise en scène autobiographique et la caractérisation des groupes humains par des animaux, représenter les juifs avec des têtes de souris, dans le pays où Mickey tient lieu de patrimoine national, culturel et industriel : Art Spiegelman multiplie les obstacles et les franchit tous, pour faire de Maus une des œuvres majeures de la littérature du vingtième siècle.

Constamment, il prend ses distances avec tout sentimentalisme, y compris avec lui-même. Le portrait de son père, antipathique au possible, nous touche au plus profond justement parce que Spiegelman n’en fait pas une victime idéalisée.

Il prend aussi du recul par rapport à son propre dispositif narratif : on le voit installé à sa propre table de travail, on découvre son père feuilletant les planches que nous venons de lire, et les têtes d’animaux des personnages s’avèrent être des masques que l’on peut échanger comme l’on change d’identité ou de culture.