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Vingt mille, selon la police

L’énorme manifestation du 29 janvier à Marseille a surpris même ceux qui y ont participé, et qui avaient du mal à trouver des points de comparaison. Ce n’est pas le cas de la police, dont la spécialité locale est de diviser le chiffre des organisateurs par un facteur 10. Pourtant, explique l’astrophysicien marseillais Jacques Boulesteix, il y a moyen de mieux compter. Encore faut-il le vouloir !

Combien de manifestants, le 29 janvier à Marseille ? 300 000, annonce la CGT. 20 000, selon la police. Heureusement que ce n’est pas (encore) celle-ci qui est chargée par l’INSEE de recenser la population, sinon la France compterait environ 5 millions d’habitants...

A Marseille, on a l’habitude de ces chiffres fantaisistes, à chaque fois c’est la même chose. A force, on n’y fait plus attention. Pourtant, quand au terme d’un parcours de trois kilomètres (à l’intersection du Prado et du boulevard Périer, non loin du stade Vélodrome), et après une heure d’attente, on apprend que les derniers manifestants en sont encore au point de départ (le Vieux-Port), on se dit qu’il y a vraiment beaucoup, beaucoup de monde. A tel point, fait relativement rare, que les bus chargés de ramener les manifestants dans leurs communes respectives ne pourront pas bouger avant 14h, soit deux heures après l’arrivée de la tête du cortège.

Il faut probablement remonter au printemps 2003, lors des énormes manifestations contre la réforme des retraites orchestrée par le ministre François Fillon, pour voir autant de monde dans les rues de Marseille. Plus qu’en 1995 (Sécurité sociale), plus qu’en 2006 (CPE). En 2003, on annonçait des chiffres entre 100 et 200 000 manifestants au plus fort du mouvement.

Question : la police sait-elle compter sur ses doigts ? Ou, hypothèse beaucoup plus vraisemblable, arrête-t-elle à l’avance un chiffre à ne pas dépasser ? L’astrophysicien marseillais Jacques Boulesteix, sur son blog Marseille, science, innovation et société propose un autre mode de calcul, qui tient compte de la longueur réelle du cortège (il arrive au chiffre de 11,6 kilomètres, c’est-à-dire la distance que le cortège aurait couvert si les manifestants de tête avaient continuer à avancer jusqu’au départ de ceux de queue), du nombre de manifestants qui échappent au décompte (ceux qui s’arrêtent en route, ne font qu’une partie du trajet, sont statiques...) et de la densité de manifestants par mètre linéaire. Et son estimation, curieusement, est relativement proche de celle donnée par la presse (150 000) : sa fourchette basse est de 139 000, sa fourchette haute est de 241 000. En tapant au milieu, il obtient le chiffre de 185 000.