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Rogue One

Le premier spin-off de la saga interstellaire belliqueuse a fait bien moins de bruit que le Réveil de la force l’an dernier, mais il est bien meilleur, en jouant la carte du réalisme et de l’audace.

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On était resté sur notre faim, pour ne pas dire plus, il y a un an lors de la sortie du septième opus de Star Wars, le Réveil de la force. Avec plus de modestie, mais doté d’un scénario enfin à la hauteur de l’enjeu, Rogue One est la preuve qu’il n’est pas interdit de faire preuve d’audace et d’imagination, même quand on pilote un engin à 200 millions de dollars à travers les obstacles de la galaxie Disney, qui ferait d’ailleurs un parfait modèle d’empire hégémonique dans l’univers du divertissement de masse.

Ambiance terrestre et effets d’échelle déboussolants

Alors, bien sûr, on peut émettre des regrets, comme celui de découvrir au casting Mads Mikkelsen ou Forest Whitaker et les voir aussi peu, ou de multiplier les scènes de batailles, notamment aériennes, qui n’apportent rien à l’histoire. Mais c’est largement compensé par un remarquable travail sur les décors naturels et cette touche inimitable qui est la vraie signature de Star Wars : le contraste entre une ambiance au sol bien peu spatiale (paysages de déserts terrestres, pluie, orage et soleil, atmosphère respirable, personnages humains) et un effet d’échelle déboussolant (vaisseaux immenses, créatures hybrides). Ce qu’on avait retrouvé avec soulagement dans le Réveil de la force est toujours là, avec en plus un scénario un peu plus conséquent, mais ce n’était pas difficile. On se sent à la fois en terrain connu, logique pour une saga qui court sur quatre décennies et qu’on a découvert, émerveillé, à l’âge de onze ans [1], et quand même surpris par la richesse onirique et visuelle rendue possible par un usage raisonné des effets spéciaux.

L’histoire se cale donc juste avant le tout premier film de la saga, celui sorti en 1977 sous le titre La guerre des étoiles, rebaptisé en 2000 Un nouvel espoir et reclassé en quatrième position. A ce titre, Rogue One devrait être numéroté 3,5, voire même 3,9 puisque sa fin vient presque se boucler sur le début du suivant, en racontant le vol des plans de l’Etoile de la Mort. Peu importe de toute façon, l’objectif étant pour Disney d’occuper le terrain entre deux sorties de la série principale (le huitième volet étant annoncé pour la fin 2017) et de rentrer dans ses frais après l’acquisition de Lucasfilm en 2012 pour 4 milliards de dollars.

Cosmopolitisme et WW2

C’est Gareth Edwards qui s’y est collé cette fois-ci, en oubliant le côté fanboy du Réveil de la force de JJ Abrams. Pas de Carrie Fisher, de Mark Hamill ou d’Harrison Ford ici, mais d’acteurs moins connus et plutôt bons comme Felicity Jones (une femme en tête d’affiche, champagne !), le Mexicain Diego Luna, ou encore le Hongkongais Donnie Yen. Les mauvaises langues verront dans ce cosmopolitisme bien peu Trumpien une volonté de ratisser large et de viser les portes-monnaie latinos et asiatiques, mais ceux-là entrent parfaitement dans la peau de leur personnage et leur donnent une vraie épaisseur.

Enfin, l’intérêt d’un spin-off, ou d’une série dérivée, réside surtout dans le fait qu’il n’est pas nécessaire d’assurer une continuité des personnages au-delà du film. Autrement dit, les scénaristes peuvent tout se permettre sans se sentir obliger de tordre la vraisemblance dans tous les sens. Le résultat, c’est un film de guerre plutôt classique à tendance réaliste, à savoir qu’en général on ne sort pas indemne d’une mission commando. Et certaines scènes font moins référence au reste de la saga qu’à des images fortes du vingtième siècle comme les bombardements atomiques d’Hiroshima ou Nagasaki ou les combats de la guerre du Pacifique. Ça, ce n’est pas très Disney, mais qui s’en plaindra ?


 

[1Sur la question des paradoxes temporels dans Star Wars, lire l’article de Laurent Jullier sur le site The Conversation.