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Rendez-nous les coupes d’Europe !

Va-t-on bientôt voir une superligue européenne de football, à l’instar du sport d’élite américain, avec des franchises qui permettront aux clubs les plus riches d’acheter une place de choix ? C’est la question que posent Jérôme Latta et Guillaume Toulouse dans La dérive du continent, long papier d’analyse sur ce qu’est devenue la coupe d’Europe. Ou plutôt les coupes d’Europe, puisqu’elles étaient trois au siècle dernier, avec un fonctionnement d’une simplicité biblique : la C1, ou coupe des clubs champions, regroupait les 32 champions nationaux en cinq tours disputés par matches aller et retour, la C2 (coupe des vainqueurs de coupe) était régie par le même principe, et la C3 comptait deux fois plus de participants (les seconds et troisièmes des championnats nationaux) et un tour de plus.

Il faut croire que c’était trop simple : les gros bras (Real Madrid, Bayern Munich, Liverpool, Juventus Turin...) mordaient parfois la poussière en plein automne, et des petits malins parvenaient à se glisser jusqu’à la finale de mai (Saint-Etienne, Malmoe, Moenchengladbach, Steaua Bucarest) et parfois même, la gagnaient (Nottingham Forest, Aston Villa, FC Porto, Etoile Rouge de Belgrade). Ça ne pouvait plus durer.

Depuis 1992, la ligue des Champions tend à devenir une élite de plus en plus fermée, accueillante pour les cinq gros championnats européens (Angleterre, Espagne, Italie, France et Allemagne) qui fournissent trois ou quatre participants chaque année, et sarkozyste pour les gueux bulgares, polonais, roumains, tchèques ou hongrois, qui n’ont qu’à se débrouiller à l’étage en dessous, la moribonde coupe de l’UEFA. Nous voici donc gavés de Chelsea-Barcelone, de Lyon-Real Madrid ou d’Arsenal-Bayern Munich tous les ans ou presque. Le spectacle n’en sort pas toujours grandi, mais les finances des clubs se portent bien, merci pour elles : l’an dernier, Arsenal (finaliste) a gagné 34,8 millions d’euros, soit plus que le vainqueur (Barcelone, 31,4 millions), tandis que Lyon (éliminé en quarts) raflait 25,3 millions. Et si les sponsors sont moins nombreux (suffisamment pour nous assommer avant chaque début de match), ils vont débourser plus, la dotation globale de l’épreuve passant de 610 à 750 millions d’euros chaque année.