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Nausicaä de la vallée du vent

Réalisé en 1984 d’après un manga en sept tomes, Nausicaä de la vallée du vent est considéré par les spécialistes de l’animation japonaise comme le chef d’œuvre d’Hayao Miyazaki. Fable écologiste étrangement violente, Nausicaä est un film complexe et déroutant, globalement moins maîtrisé que Chihiro ou Le château ambulant.

DES INSECTES ET DES HOMMES

Naître en janvier 1941 dans un Japon impérial et belliqueux marque pour la vie. Hayao Miyazaki avait donc onze mois au moment de l’attaque de Pearl Harbor, l’équivalent du 11-Septembre dans l’imaginaire américain. Et il avait quatre ans et demi au moment où Hiroshima et Nagasaki allaient disparaître dans un déluge de feu balayé par des vents empoisonnés.

Plus encore que ses films récents, dont le très grand Château ambulant, l’obsession de l’apocalypse nucléaire est le fil rouge qui tisse la trame de l’œuvre de Miyazaki. En 1984, quand il réalise pour le cinéma Nausicaä de la vallée du vent, il travaille déjà depuis deux ans sur un manga qui lui prendra douze ans et sept tomes [1]. Son film raconte donc l’histoire de la princesse Nausicaä, lointaine cousine de Mononoke, Chihiro ou Sophie.

Nausicaä vit dans la vallée du vent, une enclave protégée d’une pollution à grande échelle issue d’une guerre qui a détruit la civilisation industrielle, mille ans plus tôt. Nausicaä est une survivante à tous les sens du terme. Elle est ouverte à tout ce qui est vivant, plantes et animaux, y compris de terrifiants insectes géants, sortes d’acariens gros comme des éléphants, les Oomus.

L’isolement de la vallée du vent ne peut pas durer. Autour, le fukai (mer de la décomposition) menace, et deux royaumes voisins préparent une guerre dévastatrice dont l’enjeu est la réactivation d’un Dieu Guerrier, une des armes responsables de la disparition de la civilisation.

Conte écologique, bien sûr. Jamais sans doute, hormis le magnifique L’homme qui plantait des arbres de Frédéric Back, un dessin animé n’avait abordé aussi frontalement la question de la rupture entre l’homme et son environnement. Mais Nausicaä est étrangement violent, âpre, tendu presque en permanence par une agressivité suffoquante. Il y manque la distance, l’humour et la subtilité du Château ambulant. Le film est aussi parasité par une musique souvent très faible, semblable à celle qui accompagne des mangas de seconde zone.

Alors, chef d’œuvre ou pas ? Difficile à dire. Disons plutôt esquisse, projet de chef d’œuvre, riche d’un univers en gestation. Et tristement d’actualité, encore, tant il est vrai que plus que jamais le fukai menace nos toutes petites et bien fragiles vallées du vent.

[1Source : Wikipédia