Le manège en chantier

Publié le 7 novembre 2010 - Bruno Colombari

Article initialement publié le 7 juin 2005 sur le site des Cahiers du football.

Trois victoires, sept nuls, neuf buts marqués, quatre encaissés : la première saison de Domenech consacre le surplace. Essayons tout de même de faire avancer le Schmilblick.

4 minutes de lecture

Un an après l’Euro portugais, le panneau de chantier est toujours en place à Clairefontaine. Et le port du casque plus que jamais obligatoire. Ce bilan de l’ère Domenech, on peut bien sûr le regarder côté pile : les Bleus sont invaincus, n’ont encaissé que quatre buts en dix matches et sont toujours en course pour la qualification à la Coupe du monde l’an prochain. Côté face, c’est une autre chanson : trois victoires étriquées contre des sélections de troisième zone, six matches nuls à domicile dont trois en éliminatoires (un mot qui risque de prendre tout son sens à l’automne) et une attaque digne d’un relégable de la ligue 1, avec neuf buts en quinze heures passées sur l’herbe.

Résultats en berne

Qui se souvient des grands sourires qui barraient les visages de la délégation française lors du tirage au sort des éliminatoires, en décembre 2003 à Francfort ? Suisse, Irlande, Chypre, Israël et Féroé, l’affaire semblait entendue. Six matches plus tard, les Bleus ont déjà laissé huit points dans la luzerne, dont six à domicile. Ils ont régalé le public de quatre 0-0 à Saint-Denis, et ont inventé le match amical qui dure trois quarts d’heure, avec décrassage pendant la deuxième mi-temps. Autant dire que leur cote de confiance, déjà aux genoux après l’Euro, est tombée à hauteur des chevilles. Après les résultats de ce week-end, la première place du groupe 4 relève du fantasme, et la deuxième place n’est pas gagnée. Déjà se profile un cauchemardesque aller-retour en barrages, en novembre... contre la Grèce, par exemple.

Que reste-t-il des champions du monde ?

Zidane, Thuram, Desailly et Lizarazu ayant fait faux-bond à Raymond Domenech, celui-ci comptait s’appuyer sur Barthez, Pires, Vieira, Henry et Trezeguet. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas été aidé. Le gardien de l’OM a fait cinq bons matches où il a tenu son rang, mais sa suspension lui fera manquer les quatre derniers. L’ex-Messin a joué les intermittents du spectacle avec trois titularisations et deux matches particulièrement médiocres contre la Bosnie et à Chypre. Le nouveau capitaine des Bleus a trouvé moyen de se faire expulser aux Féroé et s’est fait dispenser de France-Hongrie pour cause de mariage, ce qui fait un peu amateur. Le meilleur buteur de Premiere League a disparu de la circulation lors des trois derniers matches, victime de blessure, mais il ne s’est quasiment jamais montré décisif avant, hormis un but à Chypre. Enfin, l’attaquant juventino a alterné le meilleur (deux buts contre la Suède et Israël) et le pire (des occasions vendangées contre la Suisse et un carton rouge à Tel-Aviv). Lui aussi sera suspendu à la fin de l’été.

Un brassard élastique

Depuis l’arrêt de Deschamps en 2000, les Bleus cherchent désespérément un chef de meute. Après Desailly et Zidane, le brassard semblait promis à Vieira. Celui-ci l’aura porté sept fois. Il ne s’est jamais imposé comme capitaine, ni dans ses performances, ni par l’influence sur le groupe, avec sa façon d’appliquer au premier degré l’expression jouer des coudes. L’intérim a été partagé par Barthez (contre la Bosnie, Pires et Henry aux Féroé, Wiltord et Boumsong (!) contre la Hongrie. Si la promotion systématique des ex-champions du monde peut se comprendre, Domenech a abandonné au groupe la désignation du capitaine pour le dernier match de la saison. Et Boumsong a avoué après France-Hongrie que c’était Wiltord qui l’avait choisi avant de quitter le terrain.

Des nouveaux pas brillants

Neuf joueurs ont débuté sous le maillot bleu cette saison. Deux semblent avoir gagné un statut de titulaire qui reste à confirmer : le latéral gauche Éric Abidal et le milieu offensif Florent Malouda. La charnière centrale Squillaci-Givet a ciré le banc contre la Hongrie après avoir joué les sept premiers matches. S’ils n’ont fait aucune grosse contre-performance, les Monégasques n’ont impressionné personne par la qualité de leur relance. Les latéraux Jonathan Zebina et Patrice Evra auront connu des fortunes diverses : le premier n’a joué qu’une fois contre la Suède, et Evra n’a plus été titulaire depuis les Féroé. Camel Meriem n’a fait que deux apparitions en fin de match cet hiver. Diarra a semblé emprunté lors de ses trois sorties, où il a parfois ressemblé à un croisement entre Vieira et Kapo. Quant à Rio Mavuba, le néophyte que Domenech a sorti de son chapeau contre la Bosnie, il semble complètement dépassé par les événements.

Cafouillages à répétition

Choisi par défaut, semble-t-il, par un Claude Simonet en fin de mandat qui ne voulait pas trancher entre Blanc et Tigana, Raymond Domenech a vu s’accumuler les coups fourrés dont le football français est si friand, particulièrement quand les résultats ne suivent pas. Accrochages verbaux avec Pires - finalement sanctionné par la Fédération pour une grotesque histoire de sponsor -, brouille avec le placardisé Anelka, sélection d’un Henry blessé qui ne jouera ni contre la Suisse, ni contre Israël, fronde générale des joueurs contre le projet d’un match en Chine finalement abandonné pour raisons économiques, affaire Barthez (soutenu par le sélectionneur et sanctionné en deux temps par la Fédération), vrai-faux retour annoncé de Zidane par L’Équipe un 1er avril, dernière rencontre de la saison programmée à Metz, et pour finir, match amical contre l’Argentine annulé et remplacé par le Sénégal. Allez, Raymond, tu as bien mérité tes vacances !

Des raisons d’espérer ?

En raclant les fonds de tiroir de l’optimisme cédéfiste, on arrive bien à trouver quelques petits cailloux pour nous guider sur le chemin de l’Allemagne. L’intérêt avec les périodes de gros temps, c’est qu’elles favorisent le ménage. La première année, Domenech nous a ainsi débarrassés, sans doute définitivement, de Silvestre et de Pires, mais aussi de la vraie-fausse relève du style Marlet, Luyindula, Cheyrou, Kapo ou Mendy. Déjà ça de fait. Les cas de Mexès et Saha, dont on n’a sans doute pas encore vu le vrai niveau en Bleu, sont un peu différents. L’un comme l’autre ont souffert d’un temps de jeu en club trop restreint pour se faire remarquer, et ont payé le prix d’une suspension pour le premier et de blessures pour le second.

Dans un autre registre, on peut imaginer que Vieira et Henry finiront bien par retrouver leur vrai niveau de jeu, comme l’a fait Wiltord cette saison. L’éclosion tardive au niveau international de Dhorasoo, qui rappelle celle de Giresse en 1981, est une vraie bonne nouvelle. Le choix d’une ossature lyonnaise dans les couloirs gauche (Abidal-Malouda) et droit (Réveillère-Wiltord) semble judicieux, de même que le recentrage de Gallas. Enfin, le trio de gauchers Abidal-Rothen-Malouda a montré contre la Hongrie l’intérêt d’avoir des centreurs qui ne soient pas obligés de revenir vers l’intérieur (on ne parle pas ici de Nicolas Sarkozy, qui est pourtant extrêmement droitier).

Enfin, malgré une saison médiocre, et une quatrième place provisoire, l’acharnement que mettent les quatre équipes de tête à ne pas se départager pourrait bien sauver les Bleus à l’automne. À ce petit jeu, qui évoque le surplace des cyclistes sur piste, le premier qui battra l’autre prendra un avantage probablement décisif. À condition bien sûr de ne pas égarer le moindre point dans la nature, contre Chypre ou les Féroé. Autant dire que le match à Lens contre les pêcheurs nordiques ne devra pas être pris à la légère. D’ailleurs, grave question : le public de Bollaert conspuera-t-il Domenech pour ne pas avoir sélectionné Tony Vairelles ?

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