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La rue est dans le pré

C’est le plus étonnant spectacle de l’édition 2007 de Tremblement de rue à Gardanne. En un peu plus d’une heure de folie douce au son des actualités, de la musique pop des années soixante et autour d’un pique-nique sur une pelouse synthétique, les comédiens de la compagnie Artonik inventent une extraordinaire machine à remonter le temps. La rue est dans le pré.

Pendant qu’on finit tranquillement son pique-nique allongé sur une pelouse garantie synthétique et sur des nappes à carreaux en coton véritable, surgit de nulle part une voix radiophonique : il y est question de 35 heures, de valeur travail, de croissance et de productivité. On reconnait même la voix nasillarde d’un certain... comment s’appelait-il, déjà ? Ah oui, Raffarin. Son plaidoyer poussif pour une France qui se lève tôt est brutalement interrompu par des cris poussés par une femme de ménage, un balayeur, un homme en bleu de travail ou un serveur de bar.

Les congés payés ! Les vacances ! A la radio, les informations annoncent que la troisième semaine de congés payés vient d’être accordée (en mars 1956). Et voilà donc nos travailleurs qui se métamorphosent en un clin d’œil en hippies, en beach boys (et girls), en plongeur avec palmes et tuba ou en couple de campeurs. Toujours en fond sonore des flashes d’information exhumés des archives de l’INA qui racontent pêle-mêle Martin Luther King, le mur de Berlin, l’assassinat de Kennedy, la conquête spatiale, l’apparition du bikini, le tour de France, les jeux olympiques ou les événements de Mai 68. Et les Beatles (Lucy in the sky with diamond), Hendrix (Star spangled banner), Patrick Juvet (Où sont les femmes ?) ou Star Wars.

C’est remarquablement bien fait, les différentes parties (répétées dans chacun des cinq espaces du pique-nique) sont entrecoupées d’une pause musette, gym tonic ou lâché de ballons de plage et le public se prend au jeu. Les Marseillais d’Artonik (ils sont installés à la Friche de la Belle de Mai) dirigés par Caroline Selig et Alain Beauchet mêlent subtilement la parodie, l’humour, le jeu et surtout beaucoup de tendresse pour une époque, celle de la jeunesse de nos parents et de notre enfance, probablement moins cynique et résignée que la nôtre. C’est un grand courant d’air frais qui fait un bien fou.