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La maison qui glissait

Vétéran de la SF à la française, Jean-Pierre Andrevon a signé en 2010 un roman étrange, entre gore et fantastique, et qui louche furieusement sur Stephen King.

La tour infernale

Vous vous souvenez peut-être de la terrifiante nouvelle de Stephen King, Brume (parue en 1985 dans le recueil éponyme), ou de son adaptation au cinéma par Franck Darabont, The Mist. Plus récemment, vous avez peut-être lu le tout dernier roman du même Stephen King, Dôme. Prenez les deux, mélangez énergiquement, transposez l’action dans une tour de banlieue parisienne et vous avez La maison qui glissait.

Sauf qu’à ce petit jeu, la comparaison ne tourne pas à l’avantage du Français. Les portraits des personnages sont pour la plupart stéréotypés (le jeune prof désabusé, le concierge raciste ancien gendarme, la famille de Blacks sympa, la bande d’ados qui cherche les embrouilles, le retraité veuf inconsolable, la vieille aux chats) et manquent de profondeur et de chair, un art dans lequel King est passé maître.

Même chose pour la description du lieu, à la fois familier (l’action nous est contemporaine, on y parle de France Inter, du NPA...) et trop flou, comme si cette tour des Erables n’était qu’un décor de théâtre sans consistance, alors que les villages du Maine racontés par Stephen King semblent criants de vérité quand bien même on n’y aurait jamais mis les pieds.

Enfin, le style est plutôt plat, sans rythme :

« Un frisson naquit sur la nuque de Pierre, coula avec une indolence intolérable le long de sa moelle épinière. Il lui sembla entendre, à l’intérieur de son buste, ses côtes craquer tant il était oppressé, au point de rendre douloureuse chaque inspiration. Ce qu’il voyait n’avait aucun sens. »

Dommage, car la trame du récit est intéressante, même si elle a du mal à suivre un fil conducteur cohérent : Andrevon ne choisit pas clairement ce qui est le plus important, les conséquences d’un huis-clos meurtrier dans une tour de banlieue coupée du monde, ou la description de ce qui se passe au-dehors. Réalisme social et fantastique à la Lovecraft se mêlent allègrement sans qu’aucune option ne prenne le dessus sur l’autre. Frustrant.

Curieusement, c’est plutôt le dernier tiers de ce long roman (520 pages) qui est le meilleur, avec une fin habile qui aurait mérité d’être développée. Comme si Andrevon avait eu du mal à entrer dans son histoire et à poser le cadre. Ce qui laisse à penser qu’avec cent ou deux cents pages de moins, le récit y aurait gagné en rythme et en cohérence.