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Howard Zinn parle de Barack Obama

Le plus grand historien américain vivant est tout près, à 86 ans, de connaître un moment historique : l’élection à la Maison Blanche d’un métis, Barack Obama. Lui qui s’est tant battu pour les droits des Noirs [1] reste cependant lucide sur les limites du projet du sénateur démocrate.

Tiens, Howard Zinn se fait une place dans la presse française. Jusqu’à présent, hormis le Monde diplomatique, rares étaient les médias à s’intéresser aux propos de cet immense historien, dont l’Histoire populaire des Etats-Unis est sans équivalent en France. Interrogé par Martine Laval à l’université de Boston, Zinn parle évidemment beaucoup de Barack Obama, à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine. Avec lucidité, comme d’habitude, mais sans beaucoup d’illusions.

Selon lui, si les démocrates auront été les premiers à présenter un candidat afro-américain, les républicains auraient tout aussi bien pu le faire, mais à une condition : qu’il soit encore plus conservateur et réactionnaire que ses concurrents blancs. Le choix de Sarah Palin comme colisitière de John McCain vient le démontrer. Et si le démocrates ont choisi Obama, ce n’est certainement pas parce qu’il est noir, mais parce qu’il n’y avait personne de meilleur. Pourtant, souligne Zinn, ce choix est un tournant historique : « les Etats-Unis reconnaissent enfin qu’ils sont une société multiculturelle. ».

Obama est-il le digne héritier de Roosevelt, qui au plus fort de la crise économique des années 30, a fait intervenir massivement l’Etat avec sa politique du New Deal ? « Il faudrait un mouvement social déterminé et énergique pour qu’il se sente menacé comme le fut Roosevelt [...] Il faudrait des actes de désobéissance civile, des confrontations de masse avec la police, des actions à grande échelle pour qu’Obama mette en place une politique sociale. Mais aujourd’hui, nous en sommes loin. »

La grande limite de Barack Obama, outre le fait d’être entouré de gens conservateurs, pour l’essentiel des proches de l’administration Clinton, c’est de « n’avoir abordé de front ni les difficultés sociales ni la paix internationale. L’urgence est de combattre la pauvreté et la guerre. » Deux combats qu’Howard Zinn a mené toute sa vie.

[1Voir son autobiographie, L’impossible neutralité