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De Péri à Auschwitz, un voyage pour mémoire

Du 29 mars au 2 avril, 28 élèves gardannais du collège Gabriel-Péri ont visité le camp d’extermination d’Auschwitz, ainsi que le quartier juif de Cracovie et la mine de sel de Wieliczka. Un déplacement en Pologne soigneusement préparé depuis la rentrée et dont ils sont revenus différents. Témoignages.

Que retient-on d’un voyage à l’étranger de cinq jours quand on a quinze ans ? Le groupe qui se forme, des amitiés qui naissent, au détour d’une attente dans une aérogare, la découverte d’un trajet en avion, la nourriture étrange d’un pays inconnu ? Un peu de tout cela, mais bien d’autres choses encore. Surtout quand le voyage en question vous amène dans le trou noir de l’histoire de l’humanité, le camp d’extermination d’Auschwitz- Birkenau.

« On a commencé par le camp d’Auschwitz I, explique Élodie. C’est là où il y a un portail à l’entrée où est inscrit “Arbeit macht frei”, le travail rend libre. C’est un musée maintenant. » « On a vu les tas de chaussures, les cheveux, des montagnes de cheveux, » ajoute Adrien. « On a vu aussi la potence où Rudolf Hess a été pendu après avoir été condamné après la guerre. Il y a une salle avec les photos des prisonniers, leur date d’arrivée et la date de leur mort. En moyenne, ça faisait deux mois d’écart. »

Élodie raconte le mur des fusillés, où les prisonniers étaient abattus d’une balle dans la nuque. « On a déposé des fleurs à cet endroit. » Elle se souvient des photos d’enfants torturés par le Docteur Mengele, dont la spécialité était les expériences sur les jumeaux.

« C’est là où les SS triaient ceux qui allaient vivre et ceux qui allaient mourir »

Puis vient la visite d’Auschwitz II, à Birkenau, trois kilomètres plus loin. Là, l’horreur franchit encore un palier, avec ses 1,1 million de morts, essentiellement des Juifs et des tziganes. « Ce qui m’a marqué, c’est le silence, raconte Fabien. C’est pesant, mais il y a du respect. Ça vient naturellement. »

Les chambres à gaz, les crématoriums, la ligne de chemin de fer qui s’arrête au milieu du camp... « C’est là où les SS triaient ceux qui allaient vivre et ceux qui allaient mourir, explique Sophie. Une fille de treize ans a été sauvée parce qu’elle a dit qu’elle en avait quinze. » « Ils envoyaient dans les chambres à gaz les femmes enceintes, les bébés  » ajoute Clément. « On a vu les baraquements, ils dormaient à douze par lit. Mais il fallait que tout soit propre. » Et pour cause  : « Les SS avaient très peur des épidémies, du typhus. »

De part et d’autre de la dalle noire en français du monument international entre les crématoires II et III, les collégiens gardannais ont allumé des bougies. « On a suivi les rails sur lesquels les trains arrivaient dans le camp, » raconte Sophie. « Le camp se détériore, ajoute Manon, c’est difficile à entretenir en l’état. Nous, on doit transmettre ce qu’on a vu. » Adrien se souvient d’un « arbre de Birkenau qui existait au moment du camp et qui est toujours là. C’est un bouleau blanc. »

« On ne peut pas se plaindre après avoir vu ça »

Après le temps du témoignage, vient celui du ressenti. Pour Élodie, « ce qui m’a choqué le plus, c’est les habits de bébé, il devait avoir un an et ils l’ont gazé. » Pour Fabien, « on a l’impression que rien n’a changé depuis. A part qu’il n’y a plus personne. » Pour Manon, « personne ne réagit de la même manière.  » Élodie revient sur les conditions de vie épouvantables : « On ne peut pas s’imaginer être là-bas. L’hygiène, c’est pas possible. On ne peut pas se plaindre après avoir vu ça. On se rend compte que ce n’est rien à côté. En rentrant à la maison hier soir, j’ai parlé pendant au moins une heure et demie. »

Les quatre accompagnateurs (Jacqueline Perrais, principale adjointe, Mustafa Khairoun, professeur d’histoire-géographie, Élisabeth Goubert, professeur documentaliste et Philippe Salomez, conseiller principal d’éducation) ont tenu à souligner le comportement exemplaire des élèves et le soutien des parents tout au long du projet.

Le projet de toute une année

Le voyage, qui a coûté 250 € aux familles, a été financé avec l’aide de la Fondation Mémoire de la Shoah, du Fonds pour la mémoire d’Auschwitz, de la fédération nationale André Maginot des anciens combattants et de la municipalité pour une partie du transport.

Il a été préparé en amont par des projections de films au collège et au cinéma (La liste de Schindler, Amen, Stalingrad et Nuit et brouillard) et des extraits de documentaires, notamment le procès de Klaus Barbie avec les enseignants d’histoire-géographie, de français et la documentaliste.

Ils ont également participé (seul collège de la région) à la journée de la mémoire de la déportation à Marseille, où ils ont rencontré des lycéens polonais, allemands et autrichiens. Enfin, ils ont participé au concours national de la résistance et de la déportation. Un compte-rendu commun va être rédigé et envoyé à la Fondation Mémoire de la Shoah, et une rencontre avec les autres élèves de troisième du collège va être organisée.