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Chloé

Passé quasiment inaperçu à sa sortie début mars, le dernier film d’Atom Egoyan est une transposition du film d’Anne Fontaine, Nathalie. Si la mise en scène est toujours aussi fluide, l’interprétation (hormis la sublime Julianne Moore) n’est pas à la hauteur et le scénario est bancal.

RENDEZ-NOUS MIA KIRSHNER !

Atom Egoyan serait-il le petit frère de Terry Gilliam ? Après une décennie marquée par trois très grands films (The Adjuster en 1991, Exotica en 1994, De beaux lendemains en 1997), le Canadien né au Caire a enchaîné avec plusieurs échecs commerciaux et artistiques, même si Le voyage de Felicia (1999), Ararat (2002) et la Vérité nue (2005) restaient passionnants malgré leurs défauts. L’an dernier, il a adapté le film sulfureux d’Anne Fontaine, Nathalie, interprété par le trio Fanny Ardant-Gérard Depardieu-Emmanuelle Béart (version botox et silicone). Qu’allait faire Egoyan de cette histoire trouble d’une femme mûre qui embauche une escort-girl pour piéger son mari volage ?

Eh bien, pas grand chose. Malgré les moyens mis en œuvre (casting haut de gamme avec Julianne Moore et Liam Neeson, décors chicos avec grands hôtels et maison d’architecte), l’adaptation tourne à vide et la sauce ne prend pas. Liam Neeson a l’air de s’ennuyer dans une histoire qui ne l’intéresse pas, et la jeune Amanda Seyfried ne tient pas la comparaison une seule minute avec Emmanuelle Béart. Seule Julianne Moore, superbe d’élégance et de fragilité (et qui ne fait pas ses cinquante ans), assure dans son rôle de femme blessée et prête à s’enflammer au moment où elle ne s’y attend pas.

Ce qu’il manque le plus dans Chloé, c’est l’ambiguité et la perversité qui sous-tend une histoire en trompe-l’œil. Là aussi, on se souvient de la prestation sublime de Mia Kirshner dans Exotica, où elle faisait tomber toutes les barrières d’un déhanchement lascif et d’une main passée dans les cheveux. Déjà, dans la Vérité nue, Alison Lohman peinait à rendre crédible son personnage de journaliste plongée dans l’histoire tortueuse de deux comiques sur le retour.

Dommage, parce que le talent du metteur en scène est toujours là. Ses mouvements de caméra sont d’une fluidité inégalée, de même que sa manière de cadrer les visages en plan serré, juste un peu plus longtemps que nécessaire, le temps de rendre visible les fêlures et les doutes.

A cinquante ans, Atom Egoyan n’est sans doute qu’au milieu de sa carrière. Mieux entouré, avec des scénarios plus solides et des acteurs prêts à se mettre en danger, il a largement les moyens de faire encore des étincelles. Everybody knows...