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Blaze

Qualifié par Stephen King lui-même de fond de tiroir, Blaze, écrit en 1973 sous le pseudo de Richard Bachman vaut bien plus que ça. Hommage modeste à Des souris et des hommes, de Steinbeck, c’est surtout un roman tendre et généreux qui évoque par moments Un monde parfait de Clint Eastwood.

LA CAVALE IMPOSSIBLE

Sorti en 2007 (2008 en France), Blaze a pourtant 34 ans. C’est en effet en 1973, juste avant qu’un éditeur accepte le manuscrit de Carrie qui allait lui assurer gloire et fortune, que Stephen King a écrit ce roman étrange sous le pseudonyme de Richard Bachman. Il y en a eu d’autres avant lui, notamment Rage, Chantier, Marche ou crève et Running Man. Mais ils ne seront publiés que plus tard. Blaze, lui, est resté dans un carton, victime du jugement dernier de King : « je le trouvais génial pendant que je le rédigeais, il m’a paru nul quand je le relus ». Trop tire-larmes, pas assez sec, pas assez rythmé. Il y a quelques années, il l’a ressorti et a décidé de le retravailler. Evidemment, on ne saura jamais à quel point la version publiée est différente de l’originale, mais peu importe : des fonds de tiroir comme celui-là, on en redemande.

Blaze fait évidemment penser au roman de Steinbeck, Des souris et des hommes. On y retrouve la figure du géant à moitié demeuré mais au cœur d’or, Lenny, et son comparse George (qui porte d’ailleurs le même prénom dans Blaze). Il rappelle aussi beaucoup le magnifique film de Clint Eastwood, Un monde parfait, qui racontait la cavale d’un taulard et d’un petit garçon qu’il avait pris en otage.

Dans Blaze, l’otage est un bébé de six mois dont le ravisseur espère tirer une rançon d’un million de dollars. Mais ce n’est pas lui qui a eu l’idée, c’est George, or il se trouve que George est mort et que Blaze est bien en peine de mener l’affaire tout seul. Depuis un drame terrible avec son père, Blaze oublie tout, et réfléchir lui demande des efforts surhumains. Heureusement que George, dont il entend régulièrement la voix, lui donne des conseils...

Blaze n’est pas un roman gothique [1], il n’y a aucune science-fiction et aucune scène d’horreur. C’est plutôt, comme le définit King lui-même, « une tragédie mineure de la classe la plus pauvre ». Au-delà de l’enlèvement, de la fuite et de la traque qu’on devine très vite sans issue, King raconte en flash-back l’enfance de Blaze, ses passages dans une maison de correction digne de Dickens, ses rencontres malheureuses et ses rares moments de bonheur, comme cet été passé à la campagne à ramasser des myrtilles chez un producteur humaniste et pédagogue.

Au final, Blaze vaut bien des romans plus récents de King, et se place au même niveau que Cujo, Dolores Claiborne, Jessie ou La petite fille qui aimait Tom Gordon. Des titres peut-être mineurs, des histoires sans prétention ni esbrouffe, maîtrisées du début à la fin, avec une grande tendresse de l’auteur pour ses personnages. En un seul mot, des romans attachants.

[1bien qu’on retrouve le thème des fantômes qui traverse une partie de l’œuvre de Stephen King, de Sac d’os à Histoire de Lisey