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1421, l’année où la Chine a découvert l’Amérique

On connaît bien sûr Colomb, Magellan et Cook, ces navigateurs partis d’Europe et découvreurs des routes maritimes vers l’Amérique, le Pacifique et l’Australie. Mais connaissez-vous Zeng He ? Cet amiral chinois, à la tête d’une flotte comme le monde n’en avait jamais vues, aurait accompli un tour du monde entre 1421 et 1423, selon le Britannique Gavin Menzies.

SUR LES TRACES DES GRANDS VAISSEAUX-TRÉSORS

Qui est Gavin Menzies ? Ce n’est pas un historien, en tout cas pas de formation. Avant d’écrire 1421, il était commandant de sous-marin dans la Royal Navy. Il a parcouru toutes les mers du monde, franchi de nombreuses fois le cap Horn, le détroit de Magellan, le cap de Bonne Espérance, longé la barrière de corail le long des côtes australiennes. Passionné de navigation et d’histoire médiévale, il tombe par hasard, au début des années 90, sur une très ancienne carte, datée du début du 15ème siècle, décrivant avec précision des îles des Caraïbes.

Intrigué par sa découverte, il poursuit ses recherches, et découvre alors que de nombreuses cartes du monde existaient bien avant les voyages exploratoires de Colomb et de Magellan. Elles décrivaient notamment en détail le cap de Bonne Espérance et le détroit de Magellan, le continent américain et l’Australie. D’où venaient les informations figurant sur ces cartes ? Qui avait pu faire des relevés topographiques aussi précis ?

Au début du 15ème siècle, une seule puissance était capable de construire une flotte capable de faire le tour du monde, embarquant des réserves d’eau, de nourriture, maitrisant l’astronomie, la botanique, la médecine et la géologie. Cette puissance, explique Gavin Menzies, c’était la Chine. Sous l’impulsion de l’empereur Zhu Di, les moyens considérables de l’Empire sont mis à contribution pour préparer la plus grande expédition de tous les temps. La flotte quitte la Chine quelques semaines après l’inauguration en grandes pompes de la Cité interdite dans la nouvelle capitale, Pékin. C’était le 8 mars 1421.

La comparaison entre le degré de développement de la Chine et celui de l’Europe est un exercice cruel : dans tous les domaines, l’Empire du Milieu a des décennies, voire des siècles d’avance sur l’Occident qui dominera bientôt le monde. Qui sait ce qui serait advenu sans l’incendie qui détruisit la Cité interdite le 9 mai 1421, marqua la fin du règne de Zhu Di et l’isolement de la Chine ? Serait-elle devenue une grande puissance colonisatrice, comme le furent l’Angleterre et la France ?

Nul ne peut le dire, et ce n’est pas le propos principal de Gavin Menzies. Le commandant de la Royal Navy s’est lancé sur les traces des vaisseaux-trésors de Zheng He à travers les mers et les océans, des jonques fabuleuses de 150 mètres de long sur 50 mètres de large dotées de neuf mâts, imaginant les trajectoires et cherchant des preuves de leur passage [1]. Et des preuves, ou tout au moins des indices, il en trouve : plantes et animaux d’origine chinoise en Amérique du sud et en Australie, épaves de navires, stèles gravées, phares, porcelaine, objets précieux en bois laqué...

Mieux encore, Menzies affirme que des tests ADN réalisés sur des populations péruviennes notamment mettent en évidence des points communs avec des gènes spécifiques à certaines régions de la Chine. Des villageois péruviens comprennent sans problème le chinois, et de nombreux mots ont une prononciation commune entre le chinois et les langues locales.

Ce faisceau d’indices est-il suffisant pour confirmer la thèse de Menzies selon laquelle les marins chinois auraient découvert tous les continents entre 1421 et 1423 ? De nombreux historiens ne le pensent pas, et la controverse fait rage autour du livre traduit depuis 2002 dans le monde entier. En tout cas, il faut au moins reconnaître à Menzies un talent de conteur tout à fait remarquable : dans 1421, on apprend quantité de choses sur la navigation, les courants marins, le calcul de la longitude et de la latitude, comment se prémunir contre le scorbut dans un voyage au long cours, quelles plantes permettent de déterminer la présence d’or ou d’argent dans le sous-sol, comment dessaler l’eau de mer pour abreuver les chevaux...

Outre son intérêt historique iconoclaste, qui met à mal la vision européocentriste des grandes découvertes, 1421 est avant tout un grand récit d’aventures et de voyage. Rien que pour cela, il vaut le détour.

[1Pour voir en flash les trajets suivis par les vaisseaux-trésor, et des photos des vestiges, il existe un site web : 1421.tv